Scène 3

 

 

  

 

 

 

Entre le nouveau, toujours les valises à la main ; puis il les pose.

 

1° Élève.

Et alors ? Tu l'a vu l'Commandant ? Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

Le Bleu.

J'sais pas.

1° Élève.

Comment tu sais pas ?

Le Bleu.

Ben oui j'ai rien compris

2° Élève.

Ca n'a rien d'étonnant, mais toi qu'est-ce que tu lui a dit au Commandant ?

Le Bleu.

Ben voilà ; d'abord j'me suis présenté : BECOUILLARD, matricule 6.4.2., élève-pilote arrivant de Saint-Trouduc.

1° Élève.

Et alors ?

Le Bleu.

Ben l'Commandant a fait comme ça : homm, homm !!!

1° Élève.

Bon, et après ?

Le Bleu.

Après j'lui ai dit : "Mon Commandant j'voudrais bien commencer à voler le plus tôt possible et toucher tout de suite mes effets chauds". Alors il a fait encore homm, homm !

3° Élève.

C'est ça, c'est ça, et après ?

Le Bleu.

Après, j'lui ai dit : "Mon Commandant j'ai ma soeur qui s'marie lundi prochain, j'voudrais bien avoir une permission si c'est possible de votre bienveillance que j'sollicite" !

Alors il a fait encore homm, homm !

1° Élève.

Ah ! Ah ! Et après ?

Le Bleu.

Ben juste alors y a un p'tit Capitaine avec un tas d'paperasses qu'est entré, un p'tit Capitaine tout noir qui m'a regardé d'un oeil noir dans ses lunettes à montures noires, alors s'pas, j'ai commencer à reculer ; le Capitaine y tenait la porte ouverte y m'a fait signe de sortir comme ça, avec les sourcils, alors j'ai salué et j'suis sorti. Et voilà, alors, j'sais pas c'que l'Commandant a dit.

Le Cap.

Mais ballot on va te l'expliquer, c'est lumineux.

Voilà : la 1° fois qu'il a fait homm, homm, ça voulait dire : Vous arrivez en retard on vous aura à l'oeil mon garçon.

Le Bleu.

Ah ! ? !

Le Cap.

La 2° fois pour les effets de vol, homm, homm, ça voulait dire : En sortant prenez à gauche, puis à gauche encore après la porte vitrée, en face, à côté de l'escalier il y a une porte en bois, avec une pancarte marquée ABRI descendez l'escalier en arrivant en bas, en face, il y a une autre porte, c'est le magasin, vous entrez et vous demandez ce qu'il vous faut au Sergent GENIN ou au garde-mites COUINEAU. Ils vont vous virer et vous n'aurez plus qu'à remonter pour aller vous faire faire un bon régulier.

Le Bleu.

Ah ! Ben alors !

Le Cap.

Et la 3° fois que le Commandant t'a fait homm, homm ; pour ta demande de perme, çà voulait dire "C'est une bonne histoire, je la connais, on me la fait tous les jours, vous pouvez vous brosser." Voilà !

Le Bleu.

Tout çà avec homm, homm ! ? !

Les 3 ensembles

Homm , homm !! ...

Le Bleu.

Ben, c'est drôle çà alors. Et ce petit Capitaine m'a parlé avec les sourcils, lui, qui c'est-y ?

Le Cap.

C'est le Capitaine de FOUREPAPERASSE, le Commandant du G.A.I. l'éminence grise.

Le Bleu.

G.A.I. qu'est-ce que çà veut dire, çà ?

Le Cap.

C'est très simple, çà veut dire Grattage Administratif Intense

Le Bleu.

Ah ! Ben faut savoir, et qu'est-ce qu'il y a encore comme officiers à l'école ?

1° Élève.

Il y a le Capitaine CHATROTTE qui commande la division de transformation.

Le Bleu.

Comment est-il celui-là ?

1° Élève.

C'est un petit Capitaine aussi, qui a résolu le problème de l'ambiguité.

Le Bleu.

Comment celà ?

1° Élève.

Il est partout à la fois, on dirait. Quand tu le vois au starter, tu n'as pas le temps de te moucher, il est déjà aux hangars, tu te retournes, il est aux bâtiments de l'école, et s'il te pose une question dans le bureau des vols, tu es obligé de lui répondre au téléphone parce qu'il est déjà revenu aux hangars, il t'engueule naturellement, il te dit de venir en piste, et t'as pas le temps d'y arriver qu'il t'a déjà collé quat'pains qui sont déjà au bureau. Voilà.

Le Bleu.

Ben, çà va être drôle avec lui.

Le Cap.

Ah ! Il est comme çà, il jette le feu, on croirait qu'il a bouffé du ressort, du 150 octanes, de la dynamite. Il vient des pays chauds. Il a fait toutes les colonies : l'Afrique, l'Inde, l'Annam, le Tonkin.

        

Il chante : (Air ma Tonkinoise.)

 

Il gobe de la dynamite

C'est un nana, c'est un nana, un nanav'vite

Sur le terrain qu'il arpente

C'est comme une étoile filante

Avec sa canne et ses bottes,

Vite il se trisse, vite il se trisse, vite il se trotte.

Sur la terre comme dans les cieux,

C'est bien lui qui boucl' le mieux.

      

Le Bleu.

Et au bureau du Commandant, qu'est-ce que c'est ?

Le Cap.

Cà c'est la Cour.

Le Bleu.

La cour ?

Le Cap.

Oui, c'est la Cour, ou plutôt c'était la Cour, il y avait la Reine-Mère, mais on l'a mise aux hangars.

Le Bleu.

Au rancart ?

Le Cap.

Non aux hangars, mais çà revient au même.

Le Bleu.

Ah ! Et pis ?

Le Cap.

Et puis, il y avait le Dauphin, mais il n'est plus là, il est élève mitrailleur.

Le Bleu.

Il est allé se mettre ailleurs, c'est évident, puisqu'il n'est plus là.

Le Cap.

Non ! il est élève-mitrailleur ou élève-pilote plutôt, je crois maintenant.

Le Bleu.

Alors, quoi, il n'y a plus personne dans ce bureau ?

Le Cap.

Si, si, ils sont deux dont un sergent, le Sergent .... le Sergent

Ah ! Zut, j'ai oublié son nom, un nom en "ou".

1° Elève

Attends, je vais t'aider.

 

Il chante : (Air hindou.)

 

Il aime bien le vin doux, ou, ou, ou, ou, ou, ou, ...

Il en boit d'bons p'tits coups, ou, ou, ou, ou, ou, ou, ......

  

Le Cap.

Ah, oui, je vois ce que tu veux dire, mais, hein, motus, n'est-ce pas !.

3° Elève.

Insecula seculum ....

2° Elève.

Amen.

Le Cap.

C'est ça.

Le Bleu.

J'y comprends rien ...

Le Cap.

T'as pas besoin pour aujourd'hui. Ne te fatigue pas. T'as vu, chez le commandant aussi, t'avais rien compris. Alors, t'en fais pas ...

Le Bleu.

Bon, alors, parlez moi des autres officiers.

1° Elève.

Tiens, puisqu'il te parlait tout à l'heure des hangars, il y a un lieutenant qu'on vient de nommer chef des hangars.

Le Bleu.

Chef de gare ?

1° Elève.

Mais non, chef des hangars.

Le Bleu.

AH ! et comment est-il celui-là ?

Le Cap.

Celui là c'est un trépident aussi et un malin. Il est du midi ; de Dax. Et en ville ici, son proprio est l'agent général de Butagaz.

Le Bleu.

Butadax ?

Le Cap.

Mais non idiot, Butagaz !

Le Bleu.

Idiot, moi ? Si vous croyez que j'ai pas compris qu'il s'agit d'un lieutenant appelé à règnier sur les hangars.

Les 2 élèves.

Eh ! Eh ! Pas mal !

Le Bleu.

Oui, d'après ce que vous me dites, c'est un basque, un basque à gaz.

Le Cap.

Hou, lala !

Le Bleu.

Et puisqu'il est malin, je dirai même que c'est un fin landais.

Le Cap.

Arrête, arrête et assieds, petit, ça va passer.

1° Elève.

C'est ça, doucement, doucement, et ung palier ...

3° Elève.

Et ben mon vieux, quand il se lance celui là. !!! Puisque tu te mets à la page, on va t'expliquer le coup.

Avec les hangars, il y a les ateliers, la technique, quoi. Le lieutenant qui commande çà il est bien plus calme que celui quon vien de te dire mais il a un drôle de boulot pas exemple.

 

Il chante : (Air à la Martinique.)

 

Pour faire d'la technique, d'la technique, d'la technique,

C'est bien pratique, C'est bien pratique,

Pas besoin de moteurs ni d'avions,

Simplement du papier des crayons,

On fait des états, des états, toute une clique,

V'la la sacrée technique.

 

Le Bleu.

Et en piste, qu'y a-t-il encore.

1° Elève.

Il y a deux capitaines encore, l'un a Angers, l'autre à la piste annexe..

Le Bleu.

Vous avez une piste annexe ?

1° Elève.

Oui, à Bré.

 

Il chante : (Mousquetaires au couvent.)

 

Il est à bre ... pitai ... ai ... ai ... ai ... ai ... ne ...,...

 

3° Elève.

Oui, et d'ailleurs, on en raconte d'bien bonnes sur son compte. Tenez ... :

Biot, grand, sur le terrain dominant la cohorte

Des élèves, des zincs, faisait de telle sorte

Que nous assimilions tout l'art si difficile

De poser sans un heurt l'avion roue et béquille.

Sa verve s'émaillait de "Merdes" au hasard.

Il en disait beaucoup ! Quoi, vous vous étonnez

Qu'après cet exposé on se pose avec art ?

Dans un tel tas de merdes, oseriez-vous pomper ?

Le Bleu.

Et l'autre capitaine ?

2° Elève.

Ah ! Celui là c'est un as, il connaît tout, il a tout vu, il a tout à l'oeil, il a l'oeil à tout, il met son nez partout

 

Il chante : (Air Daniel Pinoche)

 

Pour avoir un zinc ou bien des gants,

Savoir l'heure qu'il est ou l'sens du vent

Demandez l'caca, demandez l'pipi

demandez l'capitaine

Pour avoir des permes, du fromage mou,

Ou n'importe quoi et tout et tout ;

Demandez l'caca, demandez l'pipi

L'capitaine TOUCHE à TOUT

 

(Il s'éloigne en imitant la démarche du Capitaine)

 

 

Le Bleu.

Et comme officier rampant ?

1° Elève.

C'est le G.M.I. que tu veux dire ?

Le Bleu.

le quoi ?

1° Elève.

C'est l'instruction à terre, le G.M.I.. Ca veut dire : Gavage matériellement inassimilable, ou Généralités mathématiques inutiles.

2° Elève.

Oui, mais maintenant, ça s'appelle D.I.S.

Le Bleu.

La D.I.S. ça veut dire encore quoi ça.

2° Elève.

Discipline, institution saumaître.

3° Elève.

Il y a un capitaine et un lieutenant. Le Capitaine lui, exige des connaissances très approfondies sur un tas de de trucs qu'on n'a pas le temps d'apprendre. Il ne s'en rend pas compte.

1° Elève.

Oui, il cherre, il sait, lui.

3° Elève.

Et puis pour faire lever les élèves de bonne heure, il n'a pas son pareil.

 

Il chante : (Air Frère Jacques)

 

Frère Jacques, Frère Jacques

Levez vous levez vous

Sonnez les matines, sonnez les matines

 

                 (Air l'adjudant et sa monture)

 

L'Capitaine fait sa culture,

Physique tous les matins

Ca lui donne belle allure

Celle des fameux chasseurs alpins.

 

Le Bleu.

Et le Lieutenant.

1° Elève.

Le Lieutenant, lui, c'est un grand type qui n'aime pas qu'on se paye sa tête et qui pour un oui ou un non est tout de suite sous pression.

2° Elève.

Oui, je crois que cela coûterait cher d'acheter un Ganne au mètre !

1° Elève.

Il faut savoir d'abord ce que le Ganne y vaut.

2° Elève.

Il y a encore le service de la base avec un lieutenant qui fait aussi l'instruction militaire et s'occupe de la discipline. Oui, c'est le vorace, quoi.

Le Bleu.

Le Vorace ?

1° Elève.

Oui, celui qui a toujours de l'appétit pour nous bouffer

2° Elève.

On l'appelle TARASS BOULBA.

1° Elève.

Terrasse boulot tu veux dire plutôt.

2° Elève.

En tout cas nous pouvons te dire une chose, c'est que s'il y en a qui n'aiment pas les sauteurs, lui, n'aime pas les danseurs.

1° Elève.

Est-ce que tu danses, toi ?

Le Bleu.

Eh, pas très bien.

1° Elève.

Tu ne danses pas le lambeth-walk ?

Le Bleu.

Euh ! à peine.

1° Elève.

Eh bien, on va te montrer comment on le danse ici.

 

 

Tous se mettent à danser en chantant :

          (Air : Lambeth-Walk)

 

La nuit, rentrant d'AVRILLE

Avec les filles de danser

Le Lambeth-Walk et le Horsey-Horsey

Oï !

On passe bras d'ssus, bras d'ssous

D'vant l'école, un p'tit peu saouls

Pour bien montrer que l'on s'fout d'tout

Oï !

Mais alors, facheux hasard

Juste sort l'officier de quart

Il fait contr'appel sans retard

Ni crier gare

Total on se fait boucler

Voilà la façon d'danser

Le Lambeth-Walk à l'Aviation d'ANGERS.

 

 

Le Bleu. (seul) 

                               Oï !

Comment y s'appelle cet officier qui n'aime pas la danse ?

Le Cap.

Ben c'est l'type qui fait des revues.

Le Bleu.

Des revues ?

Le Cap.

Ben oui ? des revues de literies, des revues de paquetage, et des revues tout court.

Le Bleu.

Des revues tout court, il est général ?

Le Cap.

Non, il est Lieutenant, et il met les autres en boîte pour ne pas être mis dedans lui-même, mais il s'est fourré le doigt dans l'oeil, il n'aura pas cette VENE là.

 

 

Il chante (Air : Ca vaut mieux que d'attraper la scarlatine)

 

Tu connais bien des dangers,

A l'école d'avia d'ANGERS

Tu risqu' de d'venir marteau

Mal fichu, tordu ou manchot

Cà vaut mieux que de bagotter avec VENE

Ca vaut mieux que d'faire d'la gym' quand il est là

Ca vaut mieux que d'attraper, ah, quelle déveine !

Quatre crans parce qu'on a fait une rumba.

 

 

Le Bleu.

Et le service sanitaire, il y a bien un toubib, ici ?

2° Elève.

Pourquoi ? T'as l'air inquiet, t'as ramassé quelque chose en route ? T'auras qu'à aller voir le Docteur PETITSPAS, en trois jours, pfuitt ... fini.

Le Bleu.

Ah ! c'est bon à savoir. Merci bien.

2° Elève.

Oui, c'est un partisan des trucs modernes, le toubib, c'est un jeune.

3° Elève.

Oh ! il y a plus jeune encore ici. Il y a un petit sous-lieutenant tout neuf qui vient d'être nommé. Il était sergent avant. Il a grimpé rapidement.

Le Cap.

Oui, il a eu un grand angle de MONTI ...

Le Bleu.

Alors, et les autres ?

3° Elève.

Il y a encore un sous-lieutenant bien sympathique.

Tous.

Qui çà ?

3° Elève.

Oh ! vous ne voyez pas ? Oh ! Non ! Vous êtes bêtes !

Souvenez-vous un peu de ce grand Lieutenant

Qui répond aux saluts, gentiment, en souriant

Et s'inclinant un peu en secouant la tête

Vous y êtes ? Son nom ? Et bien mais CHAMBERLAIN

Ou encore ? Il a un parapluie, alors DENIS Pepin.

Le Bleu.

Et pis, les autres ?

Le Cap.

Tu trouves qu'il n'y en a pas assez comme ça pour nous faire suer !!! Surtout qu'ajoutes à ça les instructeurs et les moniteurs !

Le Bleu.

Y sont chics les moniteurs ?

Le Cap.

Ah ! Au poil, et on a l'foetus

Le Bleu.

Le foetus ?

1° Elève.

Oui. D'FEYTER, quoi.

 

 

Il chante (Air : Prosper)

 

D'FEYTER, yop la boum ! C'est le roi des aviateurs

D'FEYTER, yop la boum ! Fait d'l'avion avec ferveur

Comme il est fort en technique,

A l'ingrate mécanique

Il peut faire la nique

Comme c'est pas un salopard

Chaqu'fois qu'il prend son départ

C'est une oeuvre d'art

Dans l'ciel, tout là haut faut l'regarder quant il glisse

 

Faut l'voir faire une vrille, ça en est un vrai délice

Il fait looping sur looping

Il atterrit sans faire bing

Coupant son hélice

D'FEYTER, yopla boum ! D'FEYTER.

 

 

Le Bleu.

Mais les autres moniteurs ?

3° Elève.

Tous des types au poil. Tiens débrouilles toi pour être avec MAILLARD.

 

 

Il chante (Air : Pour être un jour aimé de toi)

 

Pour être élève de MAILLARD

On ferait des folies

On lui offrirait sans retard

Une belle paire de ribouis

MAILLARD il se pose pine de mouche

Sans conteste il y .. touche

Y a pas besoin d'être chanteur

Pour d'viner qu'c'est un aviateur.

 

 

1° Elève.

Et HIRBEC.

 

 

Il chante (Air : Ma pomme)

 

HIRBEC c'est lui

Qui fait toujours d'l'esprit

Il tient l'manche, l'aviophone

Il s'donne

Quel homme

Il nous fait marrer

Et nous engueule après

Parsqu'on n'vire pas assez

Du pied

Du pied

Et l'on se fait virer

Sitôt qu'on a gaffé !

 

 

3° Elève.

Y'a aussi LEFOL.

Le Bleu.

Qui c'est ça LEFOL ?

2° Elève.

C'est un sage.

 

 

Il chante (Air : Sur la mer calmée)

 

Sur LEFOLCALVEZ

Je voudrais trouver

Des mots élogieux

Et pompeux

Pour dire sa valeur.

 

 

3° Elève.

Enfin ils sont tous au poil : WOLFF, PREVOST, HUG.HUG, c'est lui l'chic type par excellence. Il ne râle jamais, au contraire il a toujours une pompe de démarreur Viet dans sa poche pour regonfler les dégonflés. Et sans notice, lui !

Le Bleu.

Et PREVOST ?

Le Cap.

Ah ! lui toujours en piste, il ne prend même plus le temps de dormir.

PREVOST dort et toujours debout !

Le Bleu. Et Wolff ?
1° Elève. Wolff, c'est pas le même genre c'est un type qui s'y entend en fait de touches.
Le Bleu. Oh ! Il fait des touches, je vois, c'est un don juan !
1° Elève. Mais non. Il s'agit de touches de piano ! Regarde, tu le vois qui se dandine devant l'armoire à glace. C'est un maestro.
Le Bleu. Il est italien ?!
Le Cap. On le croirait, il prend toujours son manche à balai pour une baguette de chef d'orchestre. C'est assez embêtant, mais ce n'est pas une raison pour en faire un italien. Il a un petit accent alsacien ! C'est un pays à LAURENT.
Le Bleu. LAURENT ??
2° Elève. (avec un fort accent alsacien) Comment tu connais pas LAURENT ? Alors tu ne connais rien, qu'est-ce qu'on t'a appris à l'école ?

Il imite LAURENT dans une leçon de pilotage

1° Elève. Tous les moniteurs sont épatants, et ça c'est primordial.

 

 

Il chante (Air : Avoir un bon copain)

 

Avoir d'bons moniteurs

C'est bien c'qu'il y a d'meilleur au monde

On prend l'manche avec coeur

Pour faire de joyeuses rondes

On vole avec ardeur

On s'sent léger, la tête en fête

On vole avec ardeur

Quand on a de bons moniteurs.

 

 

Le Bleu. Et les instructeurs ?
3° Elève. Des gens très chics, très distingués, très hommes du monde. Tu as Hengel ...
Le Bleu. Angèle ?? C'est une femme ?
3° Elève. Euh ... No ..N ; c'est l'type qui nous fait l'moteur. Quand on ne bronche pas, il est gentil comme un agneau mais autrement, il nous sonne.

 

 

Il chante (Air de l'Angelus de la mer)

 

C'est Hengel qui nous sonne

Hengel use de la tôle. !.

 

 

2° Elève. Tu baisses !

 

 

Il chante (Air : C'est l'amour ...)

 

C'est Hengel

Qu'est coquet comme une demoiselle

C'est Hengel

Qui nous fait l'électricité

C'est Hengel

Qui fait ses cours sans se fatiguer

C'est Hengel

Qui jusqu'au bout nous en fera roter ....

 

 

2° Elève. Bravo !
Le Bleu. On m'a parlé aussi d'un certain DUJARDIN ...
2° Elève. DUJARDIN ?
Le Bleu. Ou Dupommier ou Dupoirier, un nom comme cela ...
Le Cap. Ah ! Tu veux dire l'Amiral DUVERGER. !
Le Bleu. C'est un Amiral ?
Le Caporal. Non ! On l'appelle comme cela à cause de ses vastes connaissances profondes comme la mer.
3° Elève. Y a aussi CHABIRAND. Mais lui, il tient un autre rayon. Il fait dans les nuages.
Le Bleu. Il "fait" dans les nuages !!? Oh ! Le sale !!
Le Cap. La Météo quoi !

 

 

Il chante (Air : C'est l'coquin d'amour ...)

 

C'est M'sieur Chabirand qui nous décrit les cumulus

C'est M'sieur Chabirand qui nous parl' des cirrostratus

Tant que le ciel, le ciel, le ciel sera nuageux,

Tant qu'il sera gris ou pluvieux ou orageux,

Ou orageux,

Monsieur Chabirand nous l'décrira, sans être las

Monsieur Chabirand dira qu'c'est beau la Météo ..

 

 

Le Bleu.

J'ai vu des sergents en tenue de vol.

1° Elève.

Ah ! Oui, il y a MESSAGER !

 

 

Il chante (Air Fleur bleue)

 

Un' bobine sympathique,

Messager,

Un p'tit bonhomme qui s'agite,

Messager,

Il sait tous les événements,

Les renseignements,

Les changements.

La Bretagne nous donna,

Quel pays

Becassine, Ademaï

Mais voilà !

Pour justifier le proverbe,

Nous avons le plus superbe

MESSAGER.

 

 

Le Cap. N'oublions pas ALFONSI !

 

 

Il chante (Air Guitare d'amour)

 

Fils de l'île d'amour,

Corse aux yeux bleus, beau comme le jour,

Il aime Tino Rossi

Il fait d'la poésie

Et il s'appelle Alfonsi !

 

 

Le Bleu. Oui mais il y en avait un avec eux qui n'était pas en tenue de vol.
Le Cap. Ah ! Oui DUPRE

 

 

Il chante (Air St Hubert)

 

L'sergent Huber qui a tout de la vache

Partout poursuit la bleusaille aux abois

Quand il la tient jamais il ne lâche,

Fait bagotter, même quand il fait froid.

 

On n'sait jamais au juste ce qu'il branle,

Il fume sa pipe pour avoir l'air martial

Et les bleus tremblent aussitôt qu'il s'ébranle

des punitions quand il vient c'est le bal.

 

 

Le Bleu. Et les copains ?
1° Elève. Très bien ... comme le reste. Le type que tu remarqueras en premier, c'est LEFANT.
Le Bleu. Ah ! Pourquoi ?
1° Elève. Parce qu'il est remarquable.
Le Cap. En voilà un, s'il avait été femme, il n'aurait pas été aviateur, on l'aurait mis dans la biffe. Parce qu'on aurait pu dire, LEFANT a seins.
1° Elève. Oui mais ce n'est pas une femme. Il est même très viril puisqu'on peut dire LEFANT Homme.
Le Cap. L'autre jour, il lui en est arrivé une bien bonne
1° Elève. Sors la nous.

Le Cap.

Un adjudant le mit de corvée aux latrines.

Lefant sans hésiter se bouche les narines.

Mais il devint la proie d'un léger tremblement

Quand l'adjudant lui dit au bord du trou béant,

Ne vous foutez pas de moi ou sinon j'vous fous d'dans !!!

1° Elève. Autre célébrité, nous avons Carole Lombard
Le Bleu. L'actrice ?
1° Elève. Non mais il lui ressemble

 

 

Il chante (Air l'amour est une étoile)

 

Lombaert est un pilote

qu'est fayot comme pas un

Ses cours il les dorlote

Et il adore son zinc

Ca l'rend loufting

Lombaert et Maridor,

Ce sont les deux ténors.

 

2° Elève.

(coupant)

Ris donc Paillasse ...

1° Elève. Après cela tu as une drôle de bande. Lehmann, Commerçon, Raynal. Ils sont une bande à rentrer pleins tous les soirs.
Le Bleu. Pleins ! On ne peut pas dire que c'est une plate bande !
Le Cap. Ah ! Ils ne valent pas cher.
Le Bleu. Non puisqu'à eux trois, ils sont saouls.
Le Cap. Comment ? Ah oui, trois sous ...
1° Elève.

Et puis il y a SENAC, un bon gros type. Le Baron qu'on l'appelle. Il aime s'en foutre plein la lampe. Une fable expresse sur son compte

 

Un jour le gros Senac dînait à la cantine

D'une minuscule sardine

Et comme il avait faim, il mangeait sans émoi

Et s'en trouvait fort bien ma foi

Moralité : On a souvent besoin d'un plus petit que soi.

2° Elève. Enfin, tu apprendras à faire connaissance. Tu feras comme tout le monde.

 

 

Il chante (Air comme tout le monde)

 

Tu iras au jus l'matin

comme tout l'monde

Tu te f'ras flanquer à pains

Comme tout l'monde

Et pour finir, tu retameras ton zinc

Comme tout l'monde

 

On a les mêmes coutumes,

Les mêmes ennuis, les mêmes maux

On a les mêmes coutumes,

On nous prendrais pour des jumeaux.

 

On est de corvée de chiottes

Comme tout l'monde

On cultive la carotte,

Comme tout l'monde

Dès qu'il pleut, on est souffrant

Comme tout l'monde

Mais dès qu'on r'vols, sur la piste on fout l'camp

Comme tout l'monde.

 

On a des jours de cafard

Des jours de joie c'est merveilleux.

On cultive la p'tite fleur bleue

Et l'on sait s'montrer démerdard.

 

On dit qu'on a peur de rien

Comme tout l'monde

Et qu'on n'en fait qu'à son grain

Comme tout l'monde.

On dit l'adjudant, j'm'en fous,

Comme tout l'monde

Et dès qu'il vient on s'met au garde à vous

Comme tout l'monde.

 

 

Le Bleu. Et au dessus ?
Tous les autres. Quoi au dessus ?
Le Bleu. Oui les hautes sphères.
Les autres. La stratosphère ?
Le Bleu. Mais non, en haut lieu, la Subdivision, la Région, le Ministère, ils s'occupent de vous ?
Le Cap. J'pense bien ! On nous téléphone de temps en temps ...
2° Elève. A propos l'autre jour, j'ai remplacé une minute le planton au téléphone. Juste Paris qui sonne. C'était le Ministère, le ministre s'il vous plait. j'ai écouté la conversation. Vous parlez d'une rigolade. Je vais vous raconter comment cela s'est passé.

 

Il chante (Air : Madame la Marquise)

 

Allo, Allo ! Angers, quelles nouvelles,

Voilà bientôt près d'quinze jours

Qu'au bout du fil je vous appelle,

Recevez-vous des choses des Tours.

 

Tout va très bien,

Croyez Monsieur l'Ministre

Tout va très bien,

Tout va très bien,

Pourtant il faut, il faut que l'on insiste

On déplore de tout petits riens.

 

Nous n'avons plus un seul avion,

Y a plus d'essence dans les camions

Tous les élèves sont pleins de morpions,

Y a plus de bromure dans les bidons,

Chez le toubib, y a plus de potions,

Y a plus d'élèves que d'polochons,

Y sont trois dans un seul caleçon,

C'est pas commode pour l'instruction,

En piste, c'est une désolation,

Y a l'Té qui marque un'direction,

La birout'en contradiction,

Se tord de l'voir en inaction,

Le terrain est tellement cochon

Que c'en est une bénédiction,

Pour ceux qui y mettent leurs arpions.

On appelle ça faire d'l'aviation.

 

Mais à part ça, croyez, Monsieur l'Ministre,

Tout va très bien, tout va très bien.

 

 

Le Bleu. En somme si je comprend bien, c'est un bordel votre Ecole. Tout est à l'envers, et vous êtes de pauv'types..
Tous. Ah ! Mais non ! Erreur !!! Tout va très bien au contraire grâce au foyer !!!!!!!
Le Cap.

Il chante (Air : La Paimpolaise)

 

L'plus grand enn'mi des militaires,

Assurément, c'est le cafard.

Ici, c'est extraordinaire,

Y'n'y en a pas, il est très rare,

On a pour le combattre

Un moyen très bath.

 

On va au foyer prendre un verre

Un café ou un chocolat

On oublie toutes ses p'tites misères,

En sifflant un ou deux sodas.

 

Après l'cours du Sergent Hengel,

On est tous plus ou moins sonnés

On a dans l'crane des étincelles

Y parle trop d'électricité

On risqu'la folie

Pour l'reste de sa vie.

 

Y'a pas deux moyens pour s'remettre,

Il faut vite courrir au foyer

S'envoyer une ou deux canettes,

Et trois douzaines de quarts Perrier.

 

On est très sages, ça je vous l'jure

Au cours de navigation.

Mais les sinus, je vous l'assure,

Vous collent vite une indigestion

Et M'sieur Duverger

Nous fait bien baver.

 

On part alors à toute vitesse

Au foyer pour prendre un soda,

On y calcule avec adresse,

L'cap magnétique et l'cap compas.

 

Quand Ingold se casse la figure,

Ca lui arrive de temps en temps,

Parmi les débris de sa voiture,

On l'trouve assis bien tranquillement.

Et tout épaté,

On l'entend chanter.

 

Poum, ça y est, me voilà par terre,

Et j'y suis à peu près entier

Ca vaut bien d'aller prendre un verre

Avec les copains au foyer.

 

Au Foyer on y va sans crainte

C'est d'ailleurs très bien fréquenté

Ne croyez pas que ce soit un'feinte

On y rencontre des galonnés

Des types épatant,

Même des commandants.

 

 

Tous en choeur.

Viv'l'commandant Seigneurie,

Y a pas une Ecole comme ici,

Disons lui Merci ! Merci !

De nous avoir ainsi permis

D'nous amuser aujourd'hui

Plus on est d'fous et plus on rit

Disons lui Merci ! Merci !

Vive le Commandant Seigneurie.

 

F I N

 

 

Ecole Auxiliaire de Pilotage

ANGERS février 1940

Inauguration du Foyer.

 

 

 
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